Halloween, journalisme, citrouille et marronnier
Je suis aux États-Unis pour cette étrange fête païenne d’Halloween qui prend ici des proportions démesurées. Cela me rappelle une petite espièglerie que j’avais fomentée lorsque que j’étais correspondant dans ce pays pour une grande radio 📻 que je ne nommerai pas.
La première année, en 1989, ma radio me commande un sujet sur Halloween 🎃 aux États-Unis 🇺🇸. Le rituel commençait à s’installer en France. Je fais donc un petit reportage avec des sons d’ambiance, des interviews. Un joli paquet cadeau très plaisant à écouter. J’étais assez satisfait par mon œuvrette. Le reportage est diffusé sur l’antenne de cette grande radio.
L’année suivante, la même radio me commande à nouveau un reportage sur Halloween 🎃. C’était le même sujet dans le même pays. Par malice (et par paresse), j’envoie à la radio le reportage de l’année précédente, sans le modifier. J’avais conservé l’enregistrement. Il est à nouveau diffusé. Personne ne remarque rien, ni les journalistes de la station, ni les rédacteurs en chef et encore moins les auditeurs.
Je suis resté correspondant aux États-Unis pour cette radio pendant 12 ans. Tous les ans, on m’a demandé un reportage sur Halloween. Tous les ans, j’ai envoyé le même. Au total 12 fois. Au fil des années, un confrère ou un consœur à Paris me disait parfois au téléphone : “ah, il était vraiment bien ton reportage sur Halloween cette année!” Pas meilleur ni pire que celui de l’année précédente ou suivante, c’était le même !
Cette histoire (déontologiquement désastreuse) est la démonstration par l’absurde d’une pratique journalistique lénifiante : le marronnier, c’est-à-dire la propension des médias à traiter mécaniquement les mêmes sujets de la même manière tous les ans en fonction des dates intangibles d’un calendrier cyclique.
Je crois avoir donné modestement un bon coup de citrouille dans ce marronnier…
Jérôme Godefroy (New York, octobre 2019)