Le fascisme sournois du “signalement”

Jérôme Godefroy
3 min readMay 23, 2022

Voici le retour d’une tradition bien de chez nous : le « signalement », manière élégante de nommer la bonne vieille dénonciation anonyme. Le plus droit chemin vers la délation.

Il existe depuis quelques mois en France un « Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politiques » (OVSSP). Le nom est ronflant. On imagine une docte assemblée se réunissant régulièrement dans une salle austère pour donner suite à des « observations » sur les turpitudes des hommes politiques. Des hommes, forcément. En réalité, l’observatoire en question observe peu. Il colporte. Il a été constitué dans la foulée de #metoopolitique. Désormais un simple « hashtag » sur Twitter sert de fondation à une officine.

Il s’agit pour l’OVSSP de traquer le politicien libidineux, c’est-à-dire principalement un mâle blanc hétérosexuel, de préférence de droite ou macroniste. Les cofondatrices de ce « collectif » viennent de l’écoféminisme radicalisé, comme l’inénarrable Alice Coffin. On trouve aussi quelques femmes gravitant autour de la France Insoumise.

L’OVSSP vient de s’illustrer en s’attaquant à Damien Abad, le plus fulgurant retourneur de veste depuis le début du siècle. Le bonhomme était jusqu’à présent président du groupe des députés « Les Républicains ». A ce titre, il a fait preuve pendant 5 ans d’un anti-macronisme virulent. Mais il a plaqué précipitamment ses copains de droite pour devenir soudain ministre du nouveau gouvernement présidé par Emmanuel Macron, fraichement réélu. Une conversion plus prompte et plus efficace que celles de Manuel Valls et Éric Woerth.

Concernant Abad, 42 ans, de vieilles histoires circulaient depuis longtemps. Deux plaintes pour viol déposées par la même femme en 2012 et 2017 (pour les mêmes faits supposés) avaient été classées sans suite. Classées sans suite, cela signifie que le parquet, après enquête préliminaire, estime qu’il n’y a pas matière à poursuites pénales. La justice a été saisie, comme il se doit. La justice a considéré que les plaintes n’étaient pas fondées. Clap de fin.

C’est sans compter sur nos camarades toujours vigilantes de l’OVSSP qui subitement, alors qu’Abad vient tout juste d’embrasser le macronisme en entrant au gouvernement, sortent de leur besace un « signalement » contre le Républicain défroqué. Ce « signalement » émane d’une autre femme (anonyme) qui affirme (sans porter plainte en justice) qu’Abad lui a fait des misères (« irrespect, injonction, insistance »). Elle le « signale ». Ça n’engage à rien. Elle signale, en passant.

Ce « signalement » brandi par les féministes radicales de l’OVSSP est relayé, comme il se doit, par Médiapart, toujours à l’affût. La machine médiatique s’empare mécaniquement de « l’affaire » qui n’en est pas une car strictement rien n’est établi. Il n’y a qu’un signal.

Les vigies de l’OVSSP affirment avoir envoyé leur « signalement » aux responsables du parti Les Républicains et La République en marche. Le parquet est également destinataire.

Mais le parquet agit très rarement sur un simple signalement. Il faut une plainte. C’est ainsi que la justice fonctionne dans un pays démocratique.

Car, en définitive, qu’est-ce qu’un « signalement » ? C’est une dénonciation anonyme sans preuve envoyée à une officine militante comme l’OVSSP.

La coutume n’est pas nouvelle en France. Dans les années 40, on faisait aussi des « signalements » qu’on envoyait à la Kommandantur la plus proche. On appelait ça de la délation, tout simplement.

Jérôme Godefroy (Mai 2022)

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