Le mécano électoral aberrant des États-Unis
🇺🇸 Les Américains ne réformeront jamais leur processus électoral aberrant, héritage historique venant de l’obsession des fondateurs du pays d’assurer la prééminence politique des états (aujourd’hui au nombre de 50) pour ne pas installer une structure fédérale trop forte.
Résultat : un mécano emberlificoté d’élections primaires, de délégués, de grands électeurs.
Le processus pour l’élection présidentielle dure presqu’un an : des premières primaires en janvier jusqu’au scrutin de novembre. Le rituel des conventions pendant l’été est vide de sens. Ce sont des spectacles kitsch et creux.
Tout ce tintouin (primaires, conventions, déplacements incessants dans tous les recoins stratégiques du pays, avalanche de spots de propagande électorale à la télé, etc) coûte un pognon de dingue financé par des dons individuels mais surtout par le pognon des grandes entreprises privées, avec les risques de pression que cela comporte. Sans cet argent, aucun espoir d’être élu. Cette campagne, c’est d’abord et avant tout une question de fric.
Au bout du compte, les électeurs n’élisent pas le président directement, ils élisent des grands électeurs qui éliront ensuite le président. Le nombre de grands électeurs varie de 3 à 55 selon la population de chaque état. C’est la Californie qui en a le plus.
Mais le système est bancal. Le vote final des grands électeurs ne reproduit pas toujours le poids du vote populaire. En 1824, 1876, 1888, 2000 et en 2016, le vainqueur s’installant à la Maison Blanche n’était pas celui qui avait récolté la majorité des suffrages au plan national.
En 2016, Hillary Clinton avait recueilli presque 3 millions de voix de plus que Donald Trump mais n’avait rassemblé que 227 grands électeurs contre 304 pour Trump.
Système bancal et injuste qui permet aussi des magouilles locales décisives. En 1960, quand John Kennedy l’emporte de justesse face à Richard Nixon, c’est grâce à tripatouillage sur les grands électeurs de l’Illinois orchestré par la mafia de Chicago proche de Joe Kennedy, père de JFK.
Les campagnes présidentielles américaines se concentrent toujours sur une petite dizaine d’états clés, susceptibles de basculer d’un côté ou de l’autre. Cette année, il s’agit principalement des états suivants : Arizona, Caroline du Nord, Géorgie, Michigan, Nevada, Pennsylvanie et Wisconsin.
Les habitants de ces états sont bombardés de spots télévisés et reçoivent les visites répétées des candidats. Les habitants du reste du pays ne voient jamais un seul spot ni le moindre candidat.
C’est le cas par exemple de New York, la plus grande métropole du pays, totalement absente du circus électoral présidentiel car New York est un bastion démocrate imprenable où il est totalement inutile de dépenser de l’argent pour faire campagne.
Notre système de suffrage universel direct pour élire un président à ses défauts mais il a le mérite d’être clair. Le système américain est complexe, interminable, pollué par l’argent et parfois antidémocratique. Mais, c’est comme les armes à feu, les Américains n’y renonceront pas.
Jérôme Godefroy (Septembre 2024)