LES LIEUX D’UNE VIE

Déménager, c’est se séparer brutalement d’un décor qu’on a parfois mis longtemps à construire.

Contempler l’appartement ou la maison vide après le départ des déménageurs pousse à s’interroger avec désarroi : “ce n’était donc que ça ? Quelques murs, la rue derrière les fenêtres et une vieille éponge qui traîne encore dans l’évier…”

Je viens de mettre à nu l’appartement parisien où j’ai vécu 20 ans. Sensation de vide, bien sûr. Vertige du temps qui passe. Je retrouve les lieux tels que je les avais trouvés il y a 20 ans, une page à nouveau vierge, juste flétrie par la peinture écaillée que le nouveau propriétaire remplacera par les couleurs de son choix.

Il abattra peut-être des murs ou construira de nouvelles cloisons. Il va s’approprier l’endroit dont je me dépossède.

Peut-être ne faut-il pas. s’attacher aux lieux et aux objets. Dans la vie, ce qui compte finalement, ce sont les gens. Mais on ne se détache jamais de sa chambre d’enfant ou d’ado, du salon des grands-parents.

Je repense souvent aussi à un autre appartement quitté avec regret après un séjour de 10 ans. C’était celui de New York, un loft incroyable, assez bruyant et mal isolé. Mais je n’arrêtais pas de prendre en photo la vue panoramique sur toute la ville.

En déménageant cette fois de Paris et en triant mes affaires, j’ai retrouvé les panoramas urbains de New York.

Une strate supplémentaire dans les lieux abandonnés.

Jérôme Godefroy (11 septembre 2023)