Macron offre aux médias une chance de se ressaisir
Qu’entends-je ? La colère gronde dans les rédactions françaises à cause des nouvelles règles édictées par le pouvoir à peine installé à l’égard des journalistes chargés de couvrir «la geste» (comme on disait au Moyen-Âge) de nos nouveaux dirigeants.
Il y a certes une certaine arrogance chez les petits marquis communicants qui gravitent autour du nouveau régime. Arrogance et maladresse des débutants. Je pense néanmoins que les médias français devraient se réjouir de la situation instaurée par le président Macron et son entourage.
Ils pourraient en profiter pour consacrer leurs efforts, leur temps et leur argent non pas à couvrir des visites ou des événements officiels mais à faire du journalisme. C’est-à-dire enquêter, chercher des informations inédites, découvrir des sujets non rebattus.
La vrai remise en cause salutaire est la suivante : se dire que la couverture en meute d’une visite protocolaire et d’un conseil des ministres n’est pas du journalisme.
Jamais une information déterminante n’est sortie de ces événements institutionnels qui aboutissent à un traitement médiatique quasi identique. Dans les visites officielles, a fortiori dans les visites présidentielles, la presse ne voit et ne sait que ce qu’on lui montre et qu’on lui raconte. Cela ne date pas de Macron.
L’exemple est à rechercher du côté des Etats-Unis où Donald Trump déteste la presse qu’il injurie sans cesse. La Maison Blanche trumpiste a considérablement réduit les accès aux sources officielles.
Et jamais les médias américains n’ont été aussi coriaces et efficaces. Les révélations sur les agissements délirants du président pullulent. Chaque jour, des scandales surgissent dans les grands journaux dont le lectorat est en hausse très nette. Les chaînes de télé suivent le mouvement et l’amplifient. Les réseaux sociaux et Internet ne sont pas en reste.
L’administration Trump croyait pouvoir museler les médias largement hostiles. Le contraire s’est produit : les journalistes ont trouvé dans les contraintes imposées par le pouvoir une énergie décuplée. Ils sont allés chercher l’information au-delà des miettes qu’on leur concède.
Cela réclame du temps, de la volonté, du talent. Et c’est plus intéressant que de faire le pied-de-grue dans la cour de l’Elysée en espérant y recueillir une phrasette absconse d’un secrétaire d’Etat.
Jérôme Godefroy (à San Francisco, le 19 mai 2017)