Peut-on “sauver la planète” en appuyant sur un bouton ?

Jérôme Godefroy
4 min readAug 27, 2019

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Tout est parti de ce bouton électrique dans une chambre d’hôtel m’incitant à “sauver la planète”. Si je n’éteins pas toutes les lumières de ma chambre, je suis un salaud : la planète va crever la gueule ouverte, les ours blancs vont agoniser sur un morceau de banquise rabougri, les habitants des Maldives vont être engloutis.

Si j’appuie sur le bouton pour tout éteindre, je suis un héros, le sauveur de l’humanité et du triton crêté, espèce menacée. J’avoue que vivre sans la compagnie de mes frères les tritons crêtés me paraitrait insupportable.

Alors, évidemment, je suis tenté d’appuyer sur le bouton car je suis lobotomisé par ce discours infantilisant du « sauvetage de la planète ». Je ne suis pas climato-sceptique. J’ai conscience que le climat change, en grande partie à cause du mode de vie des humains. Ce que je récuse, c’est la culpabilisation dont est chargé le discours écologique.

Ajoutons pour être précis qu’il ne s’agit pas vraiment de sauver cette foutue planète qui en a vu d’autres depuis qu’elle a émergé après le chaos du Big Bang, il y a 4,5 milliards d’années. Notre chère planète Terre a survécu à cinq extinctions de masse. Le méchant Homo sapiens n’y était pour rien tout simplement parce qu’il n’existait pas encore. A chaque fois, la Terre a tenu bon, toujours profondément bouleversée, avec des espèces disparues et d’autres, totalement nouvelles, produits de l’évolution.

Il y a environ 300.000 ans, une espèce ultra-minoritaire est apparue dans un recoin de l’Afrique. Cette espèce, c’est la nôtre. Le genre humain est un épiphénomène ridiculement insignifiant à l’échelle temporelle de l’univers et même de la Terre : 300.000 ans sur 4,5 milliards d’années.

Mais cette espèce a prospéré de manière exponentielle. Par sa mobilité, son sens de l’adaptation, son intelligence supérieure à tous les autres animaux, l’espèce Homo Sapiens a envahi le monde et l’a plié à ses besoins et à ses désirs. Seulement maintenant, ça va un peu trop loin. Nous sommes plus de 7 milliards, bientôt 9 ou 10. Nous étions 2,5 milliards quand je suis né.

Forcément, il y a des dégâts. Quand je suis allé en Inde il y a une quarantaine d’années, il n’y avait aucun déchet nulle part. Le moindre emballage était récupéré. Désormais, la baie de Mumbay (Bombay) est un cloaque de sacs plastiques.

Il faut évidemment faire quelque chose. C’est évident. Mais qu’on nous épargne les discours sentencieux, les menaces, les imprécations. Et qu’on cesse de nous dire qu’il faut « sauver la planète ». Ce catastrophisme millénariste est lancinant et totalement contreproductif. Et il repose sur un concept judéo-chrétien : le mythe du paradis terrestre.

Les écolos veulent nous convaincre que notre planète a connu, à une époque lointaine et indéterminée, un état de pur équilibre et de grande harmonie. Tout cela a été gâché par les vilains humains, comme le paradis terrestre avait été souillé par Adam et Eve. C’est un leurre. Il n’y a eu jamais eu de stade idéal de la Terre. Il n’y a pas eu un âge d’or vers lequel il faudrait retourner. Il y a eu des périodes historiques et préhistoriques qui n’ont pas toutes été un jardin d’Eden jonché de pétales de roses.

La nature n’est pas bonne. Nature is a bitch, dirait-on en anglais. Il faut sortir du rousseauisme béat. La nature est hostile. L’Homo Sapiens est un miracle de l’évolution qui s’est construit lentement et difficilement dans un environnement d’adversité. Il a vaincu le froid, le chaud, les maladies, les famines, les cataclysmes, les attaques des espèces plus puissantes physiquement. Si depuis quelques siècles, son hégémonie s’installe, elle n’était pas acquise au départ.

Notre génération et les suivantes doivent impérativement trouver des solutions concrètes pour inverser la courbe négative que nous faisons subir collectivement à notre environnement. Mais cela ne se fera pas en repeignant en vert l’anticapitalisme. Le marxisme a échoué partout au XXème siècle en étant un fossoyeur féroce de l’équilibre écologique.

Cela ne se fera pas non plus grâce aux jérémiades de quelques gourous velléitaires qui se drapent dans leur dignité et renoncent à la première difficulté. Je pense notamment à un ancien animateur de télévision qui est retourné maugréer dans un coin de Bretagne. Cette action collective en faveur d’un environnement moins dégradé se passera aisément des sermons prétentieux d’adolescents ou adolescentes, scandinaves ou non.

C’est une question politique sérieuse qui doit conditionner les actions gouvernementales dans tous les domaines. Cela suppose une concertation internationale, une expertise, des décisions. Mais, de grâce, qu’on nous épargne les slogans vaseux, les leçons de morale simplistes. Comme par exemple, me faire croire que je vais sauver la planète en éteignant les lumières de ma chambre d’hôtel.

Jérôme Godefroy (août 2019)

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Written by Jérôme Godefroy

Ancien speaker à la TSF. Né sous Vincent Auriol.

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